Témoignages

Témoignage de Rym Hayouni

Une pièce grisâtre qui prenait vie au fur et à mesure que les gens s'agitaient dans tous les sens. L’atmosphère était prise par une dynamique invraisemblable. J’avais l'impression d'être manié tel un pantin; un coup de peigne par-ci, un ajustement de micro par-là. J’étais prise de court jusqu’à ce que le clap ne frôle à peine mon visage. Première prise, poste de police, j’avais devant moi une équipe de comédiens aussi intimidants pendant la prise, que charmants en hors caméra.
Ce jour-là marquait le début de mon aventure sur le tournage de Silentium, seulement deux jours après avoir réussi le casting et le lendemain de mes 25 ans. J'incarnais un personnage dont l'histoire était vraie, mais cruelle. Je ne cherchais pas à le jouer ou à le représenter, mais plutôt à le vivre. Cela m'a rapidement plongé dans les souffrances inscrites sur ma peau, non seulement les miennes, mais aussi celles héritées de mes ancêtres. Je pensais aux femmes que j'ai connues, à celles dont j'ai entendu parler, et à celles dont l'existence s'est ancrée dans les interstices de l'Histoire.
« Mais MALEK ne peut rester une victime, je m’y refuse. C’est une battante. Une survivante. » la déclaration saississante de l’auteure du film, Sophia Houas, m’a profondément imprégnée. Malek, qui a été victime d'un viol dans sa jeunesse, puis à nouveau plus tard dans sa vie, est destinée à se dresser vaillamment, à embrasser avec détermination sa quête inlassable de dignité et d'indépendance. En l’incarnant, j’ai navigué sur la fine ligne entre la force et la vulnérabilité. Ce film m'a immergée dans un véritable bunker où les violences endurées par la plupart des femmes prennent forme et où elles luttent chaque jour, chacune à sa manière au sein d'une société infestée par le patriarcat. C'est un récit qui arrache le voile à ces réalités souvent silencieuses, où les anonymes demeurent dans l'ombre, portant le fardeau de leurs souffrances.
Cette expérience a été une véritable source d'apprentissage pour moi, un voyage profond que j'ai eu le privilège de partager avec une équipe de film débordante d’engagement et d’inspiration. J'ai été honorée de collaborer avec des acteurs talentueux et passionnés, évoluant dans un univers intense et délicat, qui m'a transportée vers des réalités qui m’étaient inconnues jusqu'alors.
Je suis particulièrement reconnaissant à Mohamed Dahech d'avoir été un véritable partenaire et un ami. Une immense gratitude va également à Nidhal, Ajbouni, Samy Snoussi et Moncef Taleb, dont la présence et le soutien se sont révélés être une source inestimable de responsabilité et 'encouragement De nos jours, je suis profondément impressionnée par le courage dont font preuve de nombreuses actrices, artistes et femmes en s'élevant contre les violences sexuelles, se faisant entendre avec force pour briser le silence. Je souhaite dédier ma participation à Silentium à toutes ces voix qui résonnent, qui nous inspirent et qui nous rappellent l'importance cruciale d’agir collectivement.

Témoignage de Oumaima Bahri

Je suis née d’un père noir et d’une mère blanche. Tous les deux activistes, féministes et combattants des droits de l’homme. Les questions du racisme et du sexisme n’ont jamais été posées chez nous, et l’égalité entre les genres et les couleurs de peau me semblaient totalement évidente.
La proposition du rôle de Jihène dans Silentium était au début un peu dérangeante, je m’avoue. « Encore un rôle de noire subissant le racisme », me suis-je dit, « Encore une fois on me choisit uniquement pour ma couleur de peau. Je ne suis pas que noire, je suis aussi actrice ! Je saurai très bien incarner le rôle d’une enquêtrice dans un film policier par exemple ! ». Par la suite, la lecture du scénario a révélé, petit à petit, la sensibilité du sujet à traiter où toutes les femmes, victimes de viol ou d’autres abus, seraient concernées, un sujet qui pourrait mettre le violeur ou l’agresseur face à sa réalité à travers des images que Nidhal et Sophia ont délibérément et intelligemment décidé : images poignantes, brutales et choquantes. La participation dans ce film, par conséquent, m’est apparue comme un devoir plus qu’autre chose.
La peur était au rendez-vous : un personnage de plus à interpréter, considéré comme une victime de la société… Sauf que cette fois, Jihène n’avait rien d’une victime, avec son instinct et sa forte intuition qui en définitive la protègent ! Jihène inspirait l’amour, l’espoir, la patience, et pas que… Dès les premières répétitions, et tout au long du tournage, j’ai appris à l’aimer, à la porter dans mon cœur, et à partager son histoire avec beaucoup de prudence et d’engagement.
La protection de Jihène, de son âme pure et de son cœur rempli d’amour contre le mal qui s’incarne dans les autres personnages, était avant tout pour moi une responsabilité, un acte militant.
Aujourd’hui, je me suis réconciliée avec l’idée que ce sont des rôles comme celui de Jihène, que je peux très bien incarner et que je ne laisserai jamais laisser passer tout au long de ma carrière. Ma couleur de peau n’est pas un handicap mais une arme puissante contre toutes les formes de discrimination et de haine et je veux essayer, à travers « Silentium», Jihène, Malek, Azza, Mouna et tous les personnages féminins du film, de transmettre la parole des femmes opprimées et sans-voix.
Je continuerai volontiers à incarner des femmes noires subissant le racisme et je prendrai toujours cette mission très à cœur. Jusqu’à ce que je sois… un jour, qui sait… « enquêtrice dans un film policier » !


Témoignage de Maissa Oueslati

Le film Silentium aborde la problématique des violences contre les femmes de manière frontale et audacieuse. C'est ce que j'ai tout de suite constaté à la lecture du scénario de Sophia HAOUES, une auteure dont la détermination, le parler vrai et le courage détonnent dans une société où règne l'omerta, la loi du silence.
Mouna, mon personnage dans le film, mais aussi Malek, Fatma et Jihene sont toutes victimes d'abus et de violence, une violence sournoise, presque silencieuse et dont personne ne parle., J'avoue avoir mis du temps à bien cerner le personnage de Mouna, ses motivations et sa douleur rentrée. Les dialogues de Sophia et l'approche toute en finesse de Nidhal, le réalisateur, m'ont finalement ouvert la voie à une compréhension du personnage que je ne soupçonnais pas.
Mouna était perdue et errait comme une âme en peine. Mouna était livrée à elle-même sans personne pour l'aider et la soutenir. Mouna était une survivante et une battante envers et contre tout., Moi, Maïssa, jeune femme et actrice, je me suis reconnue en Mouna et j'ai épousé son enfer et son combat. Mouna, comme des milliers d'autres Mouna, était enfin en moi !
Je mesure aujourd'hui la chance que j'ai eu d'interpréter ce rôle et de faire partie de la belle aventure de Silentium !